Dans ma vie de passager, j’ai décollé de Montréal pour atterrir peu de temps après sur le même aéroport afin de débarquer un passager mourant puis repartir. J’ai vécu plusieurs tentatives de décollage avortées, dont la plus cocasse à Toulouse s’est terminée par une nuit à l’hôtel de l’aéroport, un groupe de passagères anxieuses (l’utilisation du féminin étant ici factuelle et en aucun cas sexiste) s’étant bruyamment rebellées, après trois essais infructueux (un « voyant sur le PGI défectueux » obligeant le commandant à ralentir en bout de piste plutôt que de quitter le sol, suscitant à chaque freinage des cris toujours plus aigus et des railleries renforcées à chaque décision de retourner en début de piste pour un nouvel essai). Il a fallu prendre un autre avion le lendemain. J’ai aussi senti les moteurs repartir et l’avion remonter lors d’une descente sur New York JFK parce que (mais cela n’a été annoncé que plus tard) l’avion nous précédant sur la piste avait une alerte au feu. J’ai patienté plusieurs heures dans un appareil à l’arrêt sur le tarmac à Paris dans l’attente qu’une place se libère en porte ou au parking un jour de grève des personnels au sol. Tandis qu’un autre jour j’ai animé une réunion téléphonique depuis la rangée 3 d’un Airbus 320 stationné à Mulhouse, dans l’attente d’une hypothétique autorisation de décollage par la tour de contrôle, les grévistes étant cette fois les contrôleurs du ciel. La compagnie avait organisé une distribution périodique de boissons et d’en-cas et la batterie de mon téléphone a lâché avant qu’on puisse s’envoler. J’ai aussi entendu un pilote s’excuser parce qu’il ne trouvait pas la porte où nous devions débarquer à Tokyo-Narita, un conducteur de cobus expliquer qu’il ne trouvait pas l’avion où nous devions embarquer ou un chef de cabine s’époumoner pour renvoyer les passagers dans l’avion qu’ils venaient de quitter car un colis suspect au terminal 2D de CDG devait être détruit avant que l’on puisse passer. Je pensais donc avoir fait le tour des principaux incidents entre la porte de l’aéroport et l’altitude de croisière et vice-versa. Jusqu’au soir où je me suis retrouvé enfermé, avec deux cents autres passagers et une hôtesse affolée, sur la piste de l’aéroport de Marseille.
L’avion était quelque peu en retard, et le débarquement par bus avait été particulièrement long, d’abord parce que la passerelle pour rejoindre le tarmac avait dû être repositionnée puis parce qu’il avait fallu attendre que le dernier passager, à mobilité très réduite, soit descendu de l’avion avant que les deux bus démarrent et parcourent 100m jusqu’aux bâtiments aéroportuaires. Où nous avons trouvé porte close, pour ce dernier vol en arrivée dans la soirée. L’hôtesse sensée nous accueillir a agité son badge à cent reprises devant le lecteur, un passager impatient a tenté de forcer la porte vitrée : rien de cela n’a permis de passer.
Bien sûr, après beaucoup d’attente et de mécontentement, on est venu nous ouvrir. Mais ce soir-là les bagages étaient livrés sur le tapis bien avant que les passagers n’arrivent pour les récupérer.
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