« Nous ne sommes peut-être pas connus pour notre charme ou notre chic, mais nous sommes fiables et ponctuels« . C’est ainsi qu’une compagnie germanique, Luftanna pour ne pas la citer, s’est paraît-il un jour positionnée par rapport à la française et prétentieuse Air Napoléon. Faites quelques vols long-courrier vers l’Asie en changeant à Francfort ou Munich (quoique ces aéroports soient bigrement lugubres), il est en effet fort probable que l’avion soit à l’heure, ou en tout cas que l’organisation déployée, robuste et rodée, vous convainque que tout est fait au mieux pour qu’il le soit. Il y aura bien sûr quelques malchanceux qui expliqueront qu’ils ont vécu le contraire, mais statistiquement Luftanna fait moins grève, ne perd pas un avion tous les trois ans, dispose d’un service de maintenance plus puissant, plus rapide et étendu. Et culturellement, on peut parier sur un niveau de qualité calibré et respecté. Quitte à effectivement, sans improvisation ni déception, manquer un peu de charme, même s’il serait caricatural de prétendre qu’on n’y mange que des Würstchen à la Kartoffelsalat servies à heure fixe par des ogresses à tresses blondes. Je trouve d’ailleurs que l’harmonie des tons et couleurs des nouveaux sièges bizbiz est plutôt chic, d’autant qu’on n’a pas abusé du jaune criard affiché sur les queues des avions.
Mais ça ne vaut pas le chic à la française, cette impression de désordre désarticulé, avec un parfum féminin et un sourire provocateur. Le charme : un concept plutôt bordélique en fait, parce qu’il repose sur un peu de hasard, beaucoup de flou, une dose d’interdit et toujours une surprise. Dont on souhaiterait qu’elle ne soit pas mauvaise. En particulier pour le passager assidu qui, quoiqu’il aime qu’un peu de piment vienne rompre la lassitude des voyages répétés, apprécie néanmoins d’arriver à l’heure et en vie.
On recherche donc les bonnes surprises : un nouveau modèle de pochette confort qui ne ressemble pas à une vulgaire trousse benjamin secouriste en plastique, une collation un peu plus relevée au salon qu’une pitta aux légumes grillés, un biscuit qui ne soit pas pondu par la mère poularde, un PNC qui se présente par son prénom… On peut ainsi saluer Loïc qui a accueilli le 5 janvier dernier vers 10h30 à CDG les passagers du vol pour Saint-Petersbourg dans ces termes charmants « Bonjour, mon nom est Loïc, et mon équipe, constituée de Sophie et moi-même, allons nous occuper de votre embarquement du vol 2252« . C’est tellement plus chic que le message standard impersonnel et le badge rouge anonyme securité safety ! Mais on l’a souvent signalé sur ce blog, sauf quand Loïc se lâche pendant que Sophie trime, Air Napoléon nous a plutôt habitués aux mauvaises surprises : retards, annulations, pertes de bagage, désinformation… ils ont le chic de nous planter souvent.
Pourtant il semble qu’on se dit enfin chez Air Napoléon qu’il faudrait sans doute, pour que Luftanna arrête d’ironiser sur le charme et le chic bordéliques, sans ponctualité ni fiabilité, créer quelques bonnes surprises. Dans une entreprise obnubilée par l’image du publiciste, il y a eu le temps des jeux marquetés, qui propulsent un passager quelconque, parce qu’il est le millionième à être compté, vers une célébrité très momentanée et un confort amélioré. Le mécanisme reste cependant peu efficace pour récompenser les passagers fréquents, tant il est peu probable de gagner. On évoquerait donc à présent une politique plus volontariste, relançant la mode des surclassements des passagers fréquents, pourtant décriée et interdite par les concédures internes. Mais trop de clients sont déjà partis à la concurrence après avoir conclu qu’Air Napoléon n’est capable que de mauvaises surprises. Ou d’avantages réservés aux amis.
Un récent échange dont m’a fait part un lecteur de ce blog pourrait confirmer la tendance. Dans son courrier au service pare-choc, il partageait son étonnement suite au passe-droit accordé à un passager, visiblement très ami avec un PNC, lors d’un vol (en retard) entre Genève et Paris. Ce passager préalablement installé en cabine Conconomy a pu rejoindre la classe Bizbiz en cours de vol alors qu’aucune cabine n’était saturée. Interrogé en cours de vol, le PNC a argué que « les critères de surclassement restaient confidentiels ». Mais à un courrier quelques jours plus tard questionnant la nature de ces critères et la crédibilité du discours pré-formaté de la compagnie qui veut que les surclassements ne soient pas possibles, sauf lorsqu’une cabine est surbookée, le service pare-choc à simplement répondu :
« Effectivement, selon les circonstances, nous avons parfois le plaisir d’offrir un surclassement à bord ; j’espère que nous aurons l’opportunité sur un autre vol de vous satisfaire en ce sens ».
Voilà une réponse qui combine un peu de hasard, beaucoup de flou, une dose d’interdit et peut-être une surprise, par une compagnie bordélique. C’est peut-être ça le chic que jalouse Luftanna, mais ça serait quand même un choc.
0 Réponses to “Le chic de déplaire”