Hier soir, dans un hôtel parisien du groupe Starpouf près d’Opéra, la serveuse au bar en offrant quelques chips violettes et biscuits oero, pour changer des popcorns poivrés et légumes crus qui commencent à lasser, a qualifié l’accompagnement de « mélange sucré et salé ». En choisissant ainsi mal ses mots, elle a rabaissé la prestation aux sachets industriels des collations gratuites distribuées par les compagnies aériennes. Pourtant, Starpouf et sans doute plus généralement l’hôtellerie ne dégagent pas la même ambiance.
Il y a un vrai programme de fidélisation, qui récompense concrètement ses membres Maximum en offrant le wifi, le petit déjeuner, des surclassements quasi systématiques et des nuits gratuites selon des barèmes simples. Il y a un vrai suivi des clients les plus assidus, de leurs préférences en termes de multiprises ou de modèle d’oreillers dans la chambre, tenant compte de l’historique de la relation. Et surtout, il y a de vrais duty managers qui décident et managent, avec d’autant plus d’initiative que leur rémunération est liée aux résultats de l’hôtel. Ils sont capables de comprendre qu’on puisse débarquer le lendemain de la nuit prévue en réservation, parce qu’on a raté un avion, été obligé de tout changer en dernière minute, ou pour d’autres raisons cocasses qu’on ne vous demandera pas de justifier (comme lorsqu’un soir arrivant d’Honolulu à Séoul je me suis rendu compte qu’en réservant sur base d’un agenda européen la nuit du 25, j’avais oublié qu’elle disparaissait dans l’International Date Line, décollant le 24 pour atterrir le 26). C’est alors avec plaisir, et l’idée très juste qu’ainsi il renforce l’adhésion à la chaîne, que le duty manager offre un prix de chambre adapté, réduit à hauteur de la pénalité due pour la nuit non honorée. Il a aussi le pouvoir de demander à ses équipes de refaire la chambre, d’apporter un tube de dentifrice ou de monter un plateau de fruits, sans qu’il faille qu’un service client lointain statue à sa place et trop tard sur le geste commercial pertinent pour sortir d’un mécontentement justifié. Et s’il refuse d’accorder une compensation, il l’assume en donnant sa carte de visite, plutôt qu’en se réfugiant derrière une batterie de règles édictées par d’autres.
Certes, les marges et modèles économiques hôteliers diffèrent du contexte aérien, mais c’est un secteur du service qui a su garder le sens du client et de la responsabilité. On constatera d’ailleurs une divergence marquante. Pendant quelques années, il n’était pas possible de passer une nuit à l’hôtel sans recevoir le surlendemain un mail d’invitation à une enquête automatique de satisfaction en ligne. Les clients les plus fréquents doivent encore en connaître par cœur les questions standardisées, et les réponses tout aussi fermées, qui laissaient le choix entre poor et not applicable pour qualifier l’expérience à la piscine, extérieure et bâchée, lors d‘un séjour nordique entre Noël et nouvel an. Les chaînes hôtelières internationales semblent pour la plupart avoir renoncé à cette pratique, pour rediriger leurs clients vers de sites d’avis en ligne, dédiés à la marque ou génériques comme badtripvisor, où l’on peut librement raconter ses expériences positives ou décevantes, et y obtient souvent des réponses publiques du management de l’hôtel, plutôt que les formules standardisées d’un pare-chocs clientèle.
Air Napoléon, par contre, se targue toujours de progresser grâce à son « enquête voyageur ». Qui n’a pas vu la distribution aléatoire des questionnaires dans l’avion, puis son voisin fouiller son sac pour trouver un stylo, et compter sur ses doigts en complétant la case où indiquer le nombre de vols, professionnels et personnels, effectués au cours des douze derniers mois ? C’est de l’histoire ancienne, puisque la compagnie envoie désormais, après le vol, des formulaires en ligne à une sélection de passagers. J’ai récemment reçu le questionnaire informatique à propos d’un trajet banal entre Paris et Manchester, dont je ne sais plus si je l’ai fait pour visiter la région ou pour avoir une occasion de tester et critiquer Air Napoléon. Il n’y a en effet sans doute pas grand-chose à faire à Manchester, sauf à visiter un stade à la gloire d’une compagnie du Golfe, pour un rédacteur d’un blog inaudible qui dénigre une compagnie aérienne fictive, lu uniquement par des syndicalistes malveillants et des visiteurs qui trouvent que c’est nul, et reviennent cependant régulièrement le vérifier. C’est en tout cas comme ça que ce blog et ses lecteurs sont décrits par un Directeur Régional d’Air Napoléon, qui m’a longuement appelé début mai pour dire qu’il n’avait rien à dire, et sans doute aussi comme ça qu’il interprète mon déplacement soudain, juste après son appel, vers Manchester. En fait, j’ai surtout été à Liverpool, par exemple pour voir la cathédrale, celle qui ressemble à un vaisseau spatial d’une mauvaise série de science-fiction des années septante.
Et c’est au pied de cet aéronef en béton que j’ai reçu un email de sollicitation et directement répondu à la grille de questions d’Air Napoléon, l’écran du smartphone me laissant le choix entre moyen, bon, excellent, splendide, merveilleux, parfait, idéal et mieux encore : c’est un questionnaire de satisfaction, qui doit donc démontrer à la compagnie que les passagers sont plutôt satisfaits.
Déjà, le caractère fermé des questions du formulaire papier me frustrait énormément, mais il était alors possible de griffonner dans la marge. Dans l’application informatique, même en cliquant partout autour de la question on en est réduit à choisir une réponse imposée. Je ne sais donc pas comment l’organisme statistique qui va dépouiller mes réponses pourra les interpréter. Mon avis sur le salon au sous-sol du 2E K de CDG : splendide, car il est particulièrement amusant de vivre une coupure d’électricité dans une cave sans fenêtre. La collation en vol : mieux encore, puisqu’on n’y distribue désormais plus de pains au chocolat, juste des croissants sans miettes et sans saveur, ce qui évite de se faire tenter et aide à suivre son régime amaigrissant, merci. L’atterrissage : idéal, le retard pris m’a évité d’être trop tôt ; le seul horaire de vol disponible était trop matinal par rapport à mes besoins, et la compagnie a su l’ajuster pour m’éviter une attente à destination…
Bien sûr il y a en fin de questionnaire un espace d’expression libre, mais il est stipulé que son contenu ne pourra être traité ni faire l’objet d’une réponse. Bienvenue dans la gestion des masses, celle que les hôteliers ont justement cherché à faire oublier.
J’apprécie à peu près tout sur ce site: le fond surtout, mais la forme aussi. Je me sens solidaire de 90% de vos récriminations envers la grande compagnie nationale française dont nous tairons le nom. Et nombre de collègues, à qui j’ai fait connaître ce blog, également.
Platinum pendant longtemps (en ce moment Gold seulement), j’ai toujours eu le sentiment que cette grande compagnie ne comprenait rien au service client, ne consultait jamais (en tout cas dans mon cas) ses plus fidèles clients sauf par de rares questionnaires fermés, ne leur demandait jamais leur avis sur les changements qu’il serait opportun d’apporter à leurs prestations même à coût réduit voire nul, et préférait masquer ses faiblesses sous d’horripilantes campagnes de marketing et de publicité voulant vous faire croire qu’Air Napoléon c’est le luxe, le rêve, bref, la volupté… qui ne font que multiplier par dix l’agacement du dit voyageur fréquent.
A propos de voyageur fréquent, deux expériences récentes et intéressantes: avec le service voyageurs fréquents de la plus grande compagnie américaine (qui pourtant a mauvaise réputation outre-Atlantique), un échange de mails courtois et personnalisé; avec le service voyageurs fréquents de la grande compagnie nationale française, un bref message téléphonique (surtout pas par mail, pensez-vous, ça permettrait au client de garder une trace, quelle horreur!), sans réponse précise à ma question.
Voilà, c’était pour vous, mais aussi pour tout responsable d’Air Napoléon qui aurait la curiosité de visiter le site.
Ca ne m’étonne pas que les esprits étroits des directeurs Air France ne soient pas capables d’avoir d’autre réaction vis à vis des propos tenus ici, que le mépris. Ils représentent tant l’esprit « ancienne France qui sait ce qui est bien et donc ne se remet jamais en question » malgré des années d’erreurs. Il ne faut rien changer, car ils tiennent à leurs privilèges (ce sont sans doute les premiers à bénéficier des GP avec femmes et enfants, alors comment leur expliquer qu’il faudrait limiter les GP pour donner du crédit à un engagement client désormais plus fort?). Il ne faut pas leur parler de Club2000 non plus, car accorder la carte (à leurs amis) est leur « petit pouvoir » sur lequel ils veillent jalousement ils refusent de compare leur entreprise aux compagnies du Golfe, car les égaler serait trop d’effort pour eux. J’en connais bien un (d’une autre région sans doute), dès qu’on critique AIr France il n’écoute pas. Il sort sa panoplie d’arguments bidon sur les progrès accomplis (minuscules par rapport aux concurrents) et sur la difficulté d’avancer avec les syndicats. Il n’est en fait pas capable de se rendre compte de l’état de la relation client aux guichets, dans les avions, dans les fourms sur internet. Et surtout, dès qu’on critique Air France, on est réduit au statut d’abruti, d’agressif, de menteur… bref on a tort et pas eux. Pourtant les constats d’Air Napoléon sont souvent voire toujours très vrais, ils donnent exactement le ressenti des passagers fréquents, dont je suis (Platinum à vie), face à l’incapacité de la compagnie à se mettre à niveau. Pas qu’Air France soit absolument nulle, pas qu’on n’y retourne pas (il n’y a qu’une seule compagnie nationale, sans concurrence, donc on la croise quoi qu’il arrive), mais qu’elle est la seule compagnie que je connaisse à traiter au jour le jour le client soit comme un ennemi, soit comme un tricheur, soit comme un abruti, mais jamais comme une personne responsable avec laquelle construire une relation positive « on a chacun besoin de l’autre pour travailler/voyager ». Même en étant Platinum à vie, avantage que je n’ai nulle part ailleurs, j’hésite à prendre Air France car le climat y est au conflit, au refus plutôt qu’au service, au minimum syndical (je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi AF croit que seuls des syndicats lisent ce blog). Bref, si le « directeur régional » cité dans le post ci-dessous lit encore ce blog, je lui dis : « Sachez Monsieur que vos clients fréquents ne vous critiquent pas sans raisons, et qu’il serait temps d’arrêter de fermer les yeux pour ne pas voir les raisons ».